BAROMÈTRES DES VALEURS : Quelles sont les grandes tendances des consommateurs, des salariés et des entreprises qu’il faut retenir de cette année hors norme ?

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Tribune de Lucie Naturel, Analyste marché et Veilleur-Analyste chez Cision France : quelles sont les évolutions suite à la crise sanitaire ?

#ParoledExpert

Après un an d’étude sur les valeurs véhiculées par les consommateurs, salariés et entreprises, y a-t-il eu des changements notoires impulsés par la crise sanitaire, ou s’agissait-il de tendances de fond qui ont subi un retour à la case départ ? L’institut d’Études Cision Insights a réalisé pour l’AFRC quatre baromètres trimestriels entre mars 2020 et mars 2021, l’occasion de dresser un bilan de cette année hors norme.

Le « green gap » entre les consommateurs se creuse

Dans le premier baromètre (mars-juin 2020), les consommateurs ont témoigné d’une prise de conscience de la nécessité de changer leur comportement de consommation pour répondre à l’urgence climatique. Néanmoins, des décalages entre les attitudes pro-environnementales et la réalité des achats ont été détectés dès le deuxième baromètre (juillet-septembre 2020). Le troisième (octobre-décembre 2020) et le quatrième baromètre (janvier-mars 2021) accusent l’approfondissement de ce « green gap », cet écart entre utopies écologiques et réelles pratiques de consommation des Français.

Comment expliquer ces divergences ?

La volonté des consommateurs de construire une société plus soucieuse de la planète est contrariée par la culture du « tout, tout de suite ». Une partie des Français, habituée à ce que tout soit accessible en un clic, est démotivée par les efforts à fournir pour adopter un comportement plus responsable. Passer plus de temps, s’organiser autrement, diversifier ses choix ou s’investir dans de nouvelles pratiques vertes sont des contraintes supplémentaires qui suffisent à détourner certains consommateurs de leur bonne volonté initiale.

Ces consommateurs ont tendance à privilégier leurs intérêts personnels et répondent davantage à un besoin de bonnes affaires, de petits plaisirs, de confort, d’épanouissement, etc., que de responsabilité environnementale. Ce comportement est particulièrement ressorti dans le dernier baromètre (janvier-mars 2021). Attirée par les nouvelles technologies, une partie des Français, cherchant un plaisir immédiat, est à la recherche d’innovation pour accompagner leur expérience d’achat.

A l’opposé, certains consommateurs engagés vont jusqu’à ressentir de la culpabilité lorsqu’ils achètent un produit qui ne respecte pas l’environnement. Les plus déterminés d’entre eux sont même prêts à boycotter les marques qui ne s’alignent pas avec leur engagement personnel. La consommation est devenue un lieu de conflictualité entre ceux qui veulent changer les lois de la consommation et ceux qui ne sont pas prêts à s’y plier.

Les entreprises sont capables d’innover pour conjuguer les intérêts individuels et responsabilité environnementale de leurs consommateurs

Beaucoup d’entreprises ont pris conscience de ces enjeux. Elles doivent innover pour marier les intérêts environnementaux et individuels (financier, santé, performance et hédoniste) de leurs consommateurs en proposant des produits et des services qui offrent un « paquet de bénéfices ». Pour capter les différents profils de consommateurs, l’application Too Good To Go permet par exemple aux consommateurs d’acheter moins chers les invendus et de lutter contre le gaspillage alimentaire.

Les entreprises peuvent mettre également à contribution leur image de marque pour réunir socialement leurs consommateurs. Grâce à la puissance des réseaux sociaux, elles partagent les bonnes pratiques écologiques afin de valoriser socialement leur propre implication et incitent leur audience à changer de comportement en montrant l’exemple. Le rôle des entreprises est particulièrement observé depuis le début de la crise sanitaire. Les engagements visibles sur la toile consolident le sentiment d’appartenance à une communauté de consommateurs, réunit autour de valeurs communes, dont le pilier central est la marque.

Toutefois, est-ce qu’aller dans le sens du consommateur pour éviter de le bousculer est la solution pour initier un nouveau mode de consommation plus responsable ?

Les distributeurs et les marques n’ont-ils pas un rôle plus affirmé à jouer ? N’est-ce pas le moment d’aller à l’inverse des tendances de personnalisation et d’abondance de l’offre ? Certaines entreprises appliquent le concept du choice-editing qui consiste à éliminer les offres les moins responsables de leur gamme. Cette décision imposée au client implique la simplification des choix de produits présentés au consommateur. Voire le bannissement de gamme néfaste pour l’environnement.

Carrefour a par exemple décider de supprimer de ses étalages la vente de thon rouge, une espèce menacée d’extinction. Cette stratégie permet aux entreprises de sortir du lot, de gagner en confiance auprès de leur audience et d’afficher une prise de position engagée. L’argument marketing écologique n’est plus suffisant, les entreprises doivent prendre les devants pour inciter les Français à passer au vert.

Les salariés engagent les marques à rebâtir les fondations de la culture d’entreprise

Côté salarié, les aspirations ont également beaucoup évolué en un an. Les collaborateurs cherchent à travailler autrement, en gardant les acquis du travail à distance. Ils expriment à leur management leurs besoins de plus d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, d’échanges avec la hiérarchie et d’opportunités pour acquérir de nouvelles compétences. Déterminés, les salariés poussent les entreprises à aller plus loin dans l’adaptation de la culture d’entreprise et à engager des transformations à long terme.  

Toutefois, bloqués au stade de la réflexion, les décisionnaires tâtonnent entre donner une réponse immédiate aux besoins de leurs collaborateurs, au risque d’agir dans la précipitation, ou prendre des décisions pour adapter l’environnement de travail.

Car jusqu’à présent, les changements engagés par les entreprises concernaient plus l’organisation du travail que la culture d’entreprise. Il est difficile pour une entreprise de défaire ses « fondations » aussi précipitamment pour bâtir une nouvelle culture.

La première clé de succès n’est pourtant pas très loin, puisqu’il s’agit du salarié !

Les entreprises peuvent compter sur une poignée de créatifs qui vont impulser des idées et des solutions grâce à « l’intrapreunariat ». Cette démarche vise à encourager les employés à penser, rêver, agir et créer dans le cadre de leur environnement professionnel comme s’ils étaient eux-mêmes des entrepreneurs.

Chez Décathlon, le projet EasyReturn, qui donne une seconde vie aux articles destinés à la destruction, a été impulsé et géré par une communauté de salariés issue de l’enseigne de sport. De ces pionniers va résulter la création d’un collectif dont les membres sont liés par une mission commune. L’intreprenariat permet en contrepartie à l’entreprise de se réinventer grâce à l’interne, de transformer ses processus, d’améliorer son image de marque et de fédérer.

A noter qu’après ce cycle consacré aux valeurs, l’institut d’Études Cision Insights et l’AFRC s’intéresseront au cours de l’année à venir à la thématique du lien.

Carine Zanchetta

Carine Zanchetta

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