Le marketing durable est l’antonyme de l’obsolescence programmée

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Les tendances complotistes attisent l’incendie. A tel point que pour les fournisseurs honnêtes il s’agit souvent de faire la preuve en creux que l’obsolescence programmée n’est pas une volonté de l’entreprise. Triste action de marketing que d’avoir à se défendre ! Comment en est-on arrivé là ?

#ParoledExpert

L’attrait de la nouveauté, poussé par l’incitation au renouvellement sans autre raison que changer pour changer permettait au consommateur insouciant de remplacer un produit sans état d’âme même s’il était en bon état ou réparable. Les politiques d’après-vente, orchestrées par la distribution, avec des coûts exorbitants de pièces détachés et de main d’œuvre contribuent toujours grandement à pousser au remplacement.

Mais la mécanique s’enraye peu à peu, ces politiques sont elles-mêmes obsolètes ! On répare, on revend et on achète d’occasion ; E bay et le bon coin sont pour beaucoup, notamment parmi les jeunes générations, les premiers magasins fréquentés pour un grand nombre de biens d’équipement. Prolonger la durée de vie devient « tendance », le développement des recycleries, des fablabs, et les applications sur imprimantes 3D sont autant de facteurs stimulants ! Les hasbeen de la consommation irresponsable n’ont plus qu’à rengainer leurs argumentaires !

Alain Tripier, CEO SEREHO et Membre du Conseil Scientifique de l’Adetem.

L’obsolescence programmée est un fléau sur tous les plans, notamment économique et écologique.

Heureusement, la destruction débridée de valeur correspond à des modes de consommation qui semblent petit à petit perdre pied, en premier lieu parmi les jeunes générations, promptes à rechercher les produits et objets dont elles ont besoin sur le Bon Coin ou sur E-bay plutôt que de se précipiter dans le magasin correspondant ou sur Amazon. De nombreux secteurs sont concernés depuis l’ameublement, en passant par l’électroménager et l’habillement et bien d’autres postes de consommation. Par ailleurs quelques timides progrès sont visibles dans la réparation, en particulier dans l’électroménager, également dans le secteur du cycle.

En revanche d’autres secteurs comme la téléphonie mobile sont encore largement marqués par une course à la nouveauté, réelle ou supposée.

Premier exemple catastrophique :

Selon l’ADEME, environ 25 millions de mobiles sont vendus chaque année en France, avec près de 90% des appareils remplacés en état de fonctionnement. Les dégâts écologiques sont énormes : Toujours selon l’ADEME « L’empreinte environnementale des smartphones est principalement due à l’extraction des minerais que l’on retrouve sous la forme de métaux dans les téléphones. L’exploitation des mines conduit notamment à la destruction d’écosystèmes : il faut par exemple excaver 200 kg de matières pour quelques grammes de minerais »

Le reconditionnement est une solution, mais l’ADEME insiste sur le risque de faire du marché du reconditionné une caution à la surconsommation. En 2020, les reconditionnés représentaient 14% de vente, en 2021, le marché du smartphone reconditionné atteint 16% des ventes totales de smartphones en France.

Le chiffre d’affaires de la vente de smartphones en France est évalué à 6,9 milliards d’euros en 2021, en hausse de 3%. SourceGFK Market Intelligence 2022

  • Selon une étude publiée par l’IFOP en novembre 2022, les Français sont de plus en plus enclins à s’équiper d’un smartphone reconditionné.
  • 62% des personnes interrogées déclarent avoir acheté ou ont l’intention d’acheter un smartphone de seconde main (contre 56% en 2021),
  • 41% indiquent que le prix est leur première motivation pour l’acquisition d’un téléphone mobile reconditionné,
  • 10% sont motivés par la protection de l’environnement,
  • 33% redoutent néanmoins la durée de vie plus courte d’un appareil reconditionné.

SourcesARCEP-Crédoc / Baromètre du numérique 2021 

Second exemple :

La fast fashion, avec le renouvellement ultra rapide des collections n’échappe pas à l’inflation du volume des ventes. Au total on a mis en marché en 2022 827 000 tonnes de vêtements et chaussures représentant 3,3 milliards de pièces.

Selon OXFAM  » Entre 2005 et 2019, la consommation de chaussures et de vêtements a quasiment doublé. Le résultat est, qu’aujourd’hui, l’industrie du textile est la cinquième plus émettrice de gaz à effet de serre au monde. Cette consommation effrénée de vêtements pousse les grandes enseignes de prêt-à-porter à produire toujours plus de pièces au détriment de la nature et des humains. Par exemple, pour un t-shirt vendu 30€ en magasin, le salaire de l’ouvrier.e n’est que de 18 centimes » quelque part en Asie. Selon l’IFM, Institut Français de la Mode, Le CA français du secteur est estimé à 89 milliards d’euros environ, pour l’habillement et les chaussures !

Selon des données recueillies par Fashion United, la population française dépense en moyenne 39 milliards d’euros dans l’acquisition de vêtements (en boutique, en ligne, en ventes privées, etc) et 9 milliards pour l’achat de chaussures. Plus largement, les consommateurs français dépensent environ 64 milliards d’euros sur le marché de la mode, second marché après les denrées alimentaires.

Pour essayer de nous faire oublier tant bien que mal ce qui se cache derrière nos étiquettes, « les marques de fast fashion multiplient les réductions, soldes et autres publicités, et nous poussent à consommer toujours plus… et toujours plus vite ».

  • 50% des vêtements sont aujourd’hui vendus en soldes. En réalité, certaines marques n’hésitent pas à produire des vêtements spécialement pour les solder. Et comme le vêtement est vendu moins cher, la qualité est aussi moins bonne. C’est ce qu’explique la sociologue Madjouline Sbai, auteure du livre ‘Une mode éthique est-elle possible’ lors d’une interview pour Natura-Sciences.
  • Gonfler les prix : Certaines marques gonflent le prix du vêtement juste avant les soldes, avant de proposer une réduction sur le produit. Au final, on achète le produit au prix initial.
  • Ces derniers temps, on parle de plus en plus du marketing de l’urgence; technique que la fast fashion utilise massivement. On nous assomme de messages publicitaires qui nous rappellent que nous avons très peu de temps pour acheter avant que les bonnes affaires disparaissent ! Le but est encore une fois d’inciter à l’achat.

Le constat est accablant ! Et ces deux secteurs ne sont pas les seuls à avoir dérivé gravement soutenus par des actions marketings « sauvages », l’un comme l’autre sont emblématiques de l’obsolescence programmée.

Comment dans ce contexte écrasant, poser les jalons d’un marketing durable ?

La définition couramment admise : démarche liée aux principes du développement durable, créatrice de valeur à trois niveaux combinés, valeur pour l’entreprise, valeur pour le consommateur et valeurs environnementales et sociales.

Alors que tous les décideurs ou presque se sentent plus ou moins concernés, les freins sont redoutables ! Aux premiers plans la prégnance du business model en place et l’obsession de la rentabilité à court terme.

Selon L’université de LAVAL (Québec), le marketing est une discipline qui vise à satisfaire les besoins des consommateurs. Le marketing responsable est une approche qui considère les réactions de la société, qu’elles soient explicites (ex. : lois), implicites (ex. : opinion publique) ou probables (ex. : activisme). En peu de mots et sans rentrer dans le verbiage à la mode, les fondamentaux sont posés, le marketing agit dans un écosystème social et sociétal complexe !

Les 4P du marketing, certes incontournables, (Produit, Prix, Place et Promotion) pourraient être systématiquement complétés par les 3P du développement durable :

P pour pourquoi : Il est nécessaire de se demander « à quoi va servir une stratégie marketing efficace » ? D’abord la satisfaction de la cible ainsi que le fait de se démarquer de la concurrence. Si la démarche tourne autour de la différenciation, il paraît indispensable aujourd’hui de réfléchir en amont aux raisons d’existence de l’entreprise, à ses objectifs.

P pour personne : Les habitudes et procédures de communication numérique risquent d’éloigner de l’essentiel : vendre des produits et des services à des êtres humains. La marque doit avant tout raconter une histoire, crédible, sincère, transparente et honnête. Les interactions avec la cible ne peuvent pas se limiter à du bombardement publicitaire pseudo one to one

P pour planète : sans doute le plus préoccupant ! En continuant à travailler, produire et consommer selon le trend actuel on provoque des dégâts irréversibles, notamment en boostant le dérèglement climatique. L’espoir réside dans le fait que de nombreux consommateurs, notamment parmi les jeunes générations, optent pour des modes de consommation responsable, des produits écologiques, plus transparents et plus éthiques.

L’image du marketing est catastrophique auprès des Français.

L’étude AFM KANTAR de mars 2023 montre qu’entre les 2/3 et les ¾ des personnes interviewées reprochent au marketing de ne servir que l’intérêt de l’entreprise, d’être envahissant, de favoriser les achats inutiles et le gaspillage, de vendre des produits à des prix dépassant la vraie valeur….

Les fonctions informatives et transformatrices, comme le simple fait de permettre d’être au courant de l’actualité de la marque atteignent au mieux 50% des opinions favorables.  Toujours selon la même étude les carrières du marketing sont peu attrayantes !

Ce constat accablant conduit inéluctablement à la refondation du marketing en l’extrayant de son silo. Une fois posée cette impérative nécessité appelle à des efforts considérables de la part des entreprises !

La différenciation, indispensable au succès des produits et services proposés ne peut en aucun cas s’effectuer selon les standards anciens. Le maitre mot est, et sera, la globalisation de l’approche.

En interne en convaincant la finance que la rentabilité à courte vue n’est pas la solution, en motivant et en formant les équipes, depuis la recherche et développement jusqu’aux services commerciaux qu’une démarche cohérente ne peut que revenir aux fondamentaux, soit satisfaire les besoins des consommateurs, mais pas n’importe comment, en respectant une cohérence globale et systémique.

L’action pédagogique et les effets de levier sur l’amont, fournisseurs et sous-traitants est indispensable au respect des valeurs de durabilité. Les bilans carbones tout au long de la chaîne de production et les analyses de cycle de vie, pas toujours aisées à percevoir peuvent toutefois fortement contribuer aux prises de conscience des metteurs en marché. Toutefois, et comme toujours, c’est le consommateur qui vote !

Malheureusement, dans la tendance à la paupérisation de pans entiers de nos sociétés d’inégalité croissantes, l’implacable verdict du pouvoir d’achat ne favorise pas les produits éthiques respectueux de l’écosystème global, mais souvent plus couteux facialement.

En conclusion, l’effort à entreprendre est immense et les pouvoirs du marketing dans l’entreprise sont souvent réduits à la portion congrue ! Alors….



Manifeste du Conseil scientifique
 / 36 évidences pour demain.

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Marc Michiels

Marc Michiels

Rédacteur en chef Culture RP, Content Marketing et Social Média Manager : « Donner la parole à l’autre sous la forme d’une tribune, une interview, est en quelque sorte se donner à lire ; comme une part de vérité commune, pour qu'apparaisse le sens sous le signe… ». / Retrouvez-moi sur LinkedIn

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